FOUILLES DANS L’INCONSCIENT FÉMININ
Réalisées dans le cadre d’une résidence artistique au Centre for Contemporary Arts de Glasgow, en Écosse, les œuvres de ma série La femme phoque (2018) sondent l’archétype de la Femme Sauvage* au cœur du récit folklorique La femme phoque. Un projet féministe aux allures tragico-ludiques qui, à l’instar de mes travaux précédents, continue à creuser la portée initiatique du conte dans la quête identitaire, mais sur un terrain à la fois plus personnel et plus mûr.
ÉNONCÉ ARTISTIQUE
Les femmes peuvent-elles exister en dehors des liens du mariage? En dehors de leur rapport aux hommes et aux enfants? Ce sont des questions que pose l’histoire de La femme phoque. Bien que le récit d’origine celtique se décline en de nombreuses variantes, l’intrigue tourne toujours autour d’une selkie (une créature marine qui, hors de l’eau, prend l’apparence humaine en retirant sa peau de phoque). Un homme lui subtilise son pelage et la contraint de l’épouser. Même si l’existence terrestre permet à la femme de connaître les joies de la vie conjugale et de la maternité, l’appel de la mer devient de plus en plus ardent…
Plutôt que d’illustrer les différentes phases du récit, mon intention est de rendre compte de la trame symbolique qui s’y déploie, soit le cycle de perte et de reconquête de la psyché féminine, avec sa part instinctuelle, libre, vibrante. Mes images explorent la relation métaphorique entre la peau de phoque et le puissant feu intérieur des femmes, souvent enfoui sous des années et des couches de socialisation. Tout comme, dans l'interprétation d'un songe, où chacun des personnages représente une facette du rêveur, j’incarne, par le biais de l’autofiguration, les différents protagonistes du conte. Car chaque femme porte en elle des zones d’ombre qui inhibent et des zones de lumière cherchant à jaillir.
Le fait de me mettre moi-même en scène est venu accentuer le jeu de mise en abyme dans ma démarche. Si je disais, un peu en boutade, partir en Écosse pour récupérer ma peau de phoque, un glissement s’est opéré pendant ma résidence entre la quête de la selkie et la mienne, me conduisant, par un curieux paradoxe, à revêtir de longues robes veillottes, lourdes et encombrantes. C’est dans ma chair que s’est jouée, devant l’objectif, cette recherche de délivrance, de libération présente en filigrane dans le conte. Ainsi l’émotion prend toute sa place dans des tableaux où le romantisme exacerbé de la nature se teinte de touches surréelles.
*L’archétype de la Femme Sauvage est un concept élaboré par la conteuse et psychanalyste Clarissa Pinkola Estés dans son livre Femmes qui courent avec les loups (1992).
VIDÉO
Le murmure de l'abysse (2020) est une œuvre vidéographique surréelle qui accompagne les images photographiques de ma série La femme phoque.
Les photographies de la série La femme phoque ont été réalisées dans le cadre d'une résidence artistique au Centre for Contemporary Arts de Glasgow, en Écosse, grâce au programme d'échanges d'artistes et d'ateliers-résidences du Conseil des arts et lettres du Québec.
Je suis également reconnaissante aux organisations suivantes pour l'aide qu'elles m'ont généreusement accordée :
Dunrobin Castle, Golspie, Écosse
Oban Seal Sanctuary, Écosse