Traversée boréale | Images et réflexions
Le rapt ou la sortie de l'enfance
Dans la continuité de mes créations sur le thème de l’imaginaire enfantin, j'ai développé une nouvelle série d’images intitulée Traversée boréale qui s’intéresse aux premières années de l’adolescence. Et plus spécifiquement aux turbulences intérieures qui agitent la femme en devenir.
La plupart de mes prises de vues pour ce projet ont été réalisées l’hiver dernier dans le cadre d’une résidence de création au Centre d’art de Kamouraska. À la manière de l'interprétation métaphysique de contes tels que Blanche Neige ou La Belle au Bois Dormant, où le sommeil des princesses symbolise l'engourdissement de la nature au cours de la saison froide, j'ai choisi de privilégier un cadre hivernal pour dépeindre les dernières heures de latence des jeunes filles à l'aube de leur printemps.
Cette première œuvre qui a pour titre « Le rapt », s’est imposée à moi comme une évidence pour démarrer la série.
Ci-dessous quelques-une des autres images de la série accompagnées des réflexions qui m'habitaient pendant leur création.
Intimité publique
L’entrée dans l’adolescence vient avec son lot de contradictions complexes. Le besoin d’affirmation côtoie une extrême vulnérabilité. Si une adolescente reste toujours seule face à sa propre métamorphose, ses changements corporels s’étendent, pour ainsi dire, en public. Exposée aux remarques indélicates d’un mononc’ ou du papa qui se trouvent drôles, on voudrait s’enfoncer six pieds sous terre…
Merci à mes amies Fanny, Isabelle B. et Isabelle P. pour le prêt de vos dessous affriolants. Comme vous voyez, ils ont bien pris le vent du large!
Ambivalence
De quoi nous parle cette image? Que raconte ce regard dans la lumière du petit matin?
J’ai voulu ici évoquer le sentiment d’ambivalence qui accompagne souvent les premières règles d’une jeune fille. Pour certaines, c’est la fierté de rejoindre la communauté des femmes qui domine. Pour d’autres, l’écoulement menstruel est avant tout source d’embarras. Dans les deux cas, l’apparition du sang sonne le glas de l’insouciance enfantine, c’est la roue de la vie qui tourne...
La louve
Avec La louve, je brode toujours sur le terrain de la prise de conscience qui s’opère chez la jeune adolescente par rapport à son propre pouvoir de séduction. Ici, le pendant agréable de cette sensation nouvelle domine la scène. Le monde est à ses pieds. Il semble lui appartenir. Mais en examinant le tableau de plus près, n’y a-t-il pas une trace d’incertitude qui émane du regard? Un soupçon d’hésitation qui s’échappe du sourire?
Animation suspendue
Il y a belle lurette que les filles du Roi ont débarqué à Québec,
Que l’ancêtre Rondeau s’est installé sur l’île d’Orléans,
Que les générations se sont succédées,
Que les femmes ont enfanté…
Où porte ton regard aujourd’hui?
Le voilà suspendu, comme un point d’orgue, comme une halte,
en attente de ce corps hésitant, incertain,
balayé par la marée montante
avant la grande chevauchée du temps.
L'envolée
En créant cette image, j’avais derrière la tête cette scène émouvante dans le film La famille Bélier où Paula, une adolescente de 16 ans, passe une audition pour un concours de chant. Un concours qui, si elle le remporte, signifie pour elle l’éloignement de sa famille. Elle chante Je vole, une chanson qui évoque le besoin d’émancipation légitime et vital des jeunes et le passage inévitable à l’âge adulte. Je ne peux regarder cet extrait sans verser quelques larmes à l’idée que mes propres filles s’envoleront pour de vrai d’ici quelques années…